Au cours du mois de janvier l’Etat a pris l’initiative d’interroger la société civile sur sa vision de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Cette consultation, ouverte à tous, s’étalait sur une période de deux mois, laissant à chacun le temps de soumettre des réflexions décorrélées des choix politiques ou des échéances électorales.
La volonté affichée de l’Etat, confirmée par l’entourage proche du ministre des Outre-Mer, était d’établir une synthèse des diverses contributions et de les soumettre aux partis politiques avant l’échéance du 06 avril, date à laquelle le Congrès peut demander l’organisation du 3ème référendum.
Dans un souci de transparence, les diverses contributions sont publiées sur le site dédié https://notreavenir-nc.fr/les-contributions/ permettant ainsi à tous les calédoniens de consulter les nombreux avis déposés et qui expriment globalement les mêmes préoccupations :
- que le vivre ensemble soit gâché par les manipulations politiques dans le contexte référendaire actuel
- que les inégalités sociales soient le ferment de violences accrues
- que le contexte environnemental reste une préoccupation mineure du monde politique
- …
En résumé, il ressort des diverses contributions une véritable mise en cause des positions exclusivement institutionnelles et politiciennes des partis politiques traditionnels, de leur négligence au regard des préoccupations quotidiennes des calédoniens et du manque de stratégie pour définir des objectifs sociétaux et les moyens d’y parvenir.
Ceci témoigne d’une liberté de ton et d’un besoin d’exprimer publiquement des points de vue que le débat politique calédonien ne permet pas de tenir, souvent par crainte de mesures de rétorsion. Chacun connaît le poids de la commande publique dans l’environnement économique calédonien ; il est ainsi facile de « blacklister » tel ou tel intervenant pour ses positions exprimées ou supposées contraires à celles du pouvoir en place.
Chaque groupe répondant à la consultation avait la possibilité de demander une audition auprès des services du Haut-Commissariat afin d’exprimer de vive voix sa vision, ses espoirs et préoccupations quant à l’avenir de notre pays.
Contre toute attente, et faisant fi du contexte calédonien, le Haut-Commissaire a décidé de convier à ces auditions chaque groupe politique présent au Congrès (Avenir En Confiance, Calédonie Ensemble, UNI, Union Calédonienne) ainsi que l’Eveil Océanien et Générations NC !
Si l’Etat voulait que la parole de la société civile soit bridée, il ne s’y prendrait pas autrement ! Les points de vue et propositions de la société civile ont pour vocation de nourrir un débat. Ce débat ne peut être que biaisé par l’interprétation politique qui en sera faite en raison de l’assemblée présente.
La violence des rapports dans la société calédonienne est une des caractéristiques que Construire Autrement déplore et dénonce régulièrement. La dernière campagne référendaire a fourni de multiples exemples de propos violents, xénophobes, discriminatoires, indignes d’un débat démocratique et républicain. Les quelques remontrances du Comité des Sages n’ont pas eu le moindre effet sur la tonalité de la campagne et le comportement de partis dont la ligne politique est l’exploitation de la peur de l’autre.
Comment l’Etat peut-il faire semblant de méconnaître cette situation constante de rapport de forces qui, si l’on n’y prend garde, nous mène droit dans le mur et la confrontation violente ?
Comment l’Etat pourrait-il croire, alors que ces postures partisanes sont largement dénoncées dans la consultation sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, que les auditions puissent être un lieu d’écoute et de débat serein dans le format proposé ?
Le principe même de la consultation citoyenne est né de la prise en compte d’un véritable décalage entre les postures des partis figés dans le même combat depuis 30 ans et la société calédonienne qui évolue et se tourne vers l’avenir.
Il existe un temps et un lieu pour la consultation de la société civile. Ce temps et ce lieu pourraient, dans un « monde idéal », se confondre avec le débat politique, pour autant que ce dernier se concentre sur la définition d’un projet sociétal ambitieux et innovant. Comment l’Etat pourrait-il croire que la Calédonie a atteint le « monde idéal » ?
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Contribution de CA – Construire Autrement
28 juin 2021 at 22h46[…] Se reporter à l’article du 3 avril. […]